Étant mère de deux enfants, la fin de semaine de pâques est bien remplie d'activités sociales : chasse aux oeufs avec les copains samedi, brunch avec d'autres amis le dimanche et journée familiale à 125 km de la maison le lundi. Elle s'annonce aussi remplie d'activités professionnelles : les bébés sont au rendez-vous.
Premier appel dans la nuit de vendredi à samedi. Elle a des contractions depuis 24 heures, ce qu'on appelle la latence, mais qui empêche de dormir et qui rend perplexe, car le travail actif ne s'enclenche pas. Elle les trouve plus intenses et plus rapprochées depuis environ 1h. C'est un deuxième bébé pour elle, un premier pour lui. Ensemble ils ont 2 rats et 1 chien. L'accouchement est prévu à la maison. Ils ont transformé la future chambre de bébé en chambre de naissance. Ils se sont procuré une belle grande piscine ovale avec des poignées. L'atmosphère est joyeuse, le futur papa est nerveux et excité, il parle beaucoup. Elle est dans sa bulle et prend les contractions calmement. On sent qu'elles sont intenses. Je m'affaire à tout préparer pour l'arrivée de bébé, j'installe le matériel, je prends ses signes vitaux, j'écoute le coeur foetal, je prépare les antibiotiques, car elle a choisi de les prendre (test positif au streptocoque de groupe B). Les doses sont prévues toutes les 4 heures jusqu'à la naissance; elle en aura une.
Un ami arrive, il aide à remplir la piscine. Les hommes discutent. Elle semble imperturbable et respire, le sourire aux lèvres. Elle est belle ! Je peux enfin être à son écoute, lui apporter ce dont elle a besoin, si elle en a besoin. Elle demande des pressions dans le dos, la plupart du temps c'est son conjoint qui la soutien, d'autres fois ce sera moi.
La piscine est prête quand la poussée se met en route. La deuxième sage-femme arrive. La future grand-mère qui habite au-dessus de l'appartement est appelée. Elle n'arrive pas assez vite aux yeux de sa fille qui demande qu'on la rappelle à peine quelques minutes après le premier appel. Grand-maman arrive, bien habillée, maquillée et coiffée !
Bébé naîtra dans les mains de son père qui a joint sa compagne dans la piscine. Une fois sorti de l'eau, le temps de passer de l'intérieur de maman aux bras de maman, il ne comprend visiblement pas qu'il faut respirer et la stimulation ne suffit pas alors nous commençons la ventilation à pression postive (VPP) pendant qu'il est encore attaché au placenta, sur sa mère. Le rythme cardiaque est de 80 et il est gris. La VPP fonctionne, c'est-à-dire que les poumons se gonflent, mais bébé ne respire toujours pas et est atonique. Nous décidons rapidement de couper le cordon et de l'emmener sur la table prévue en cas de réanimation. Dès qu'il sent la surface dure sous lui, il se met à crier, son coeur bat la chamaille et il rosit en un clin d'oeil. Ouf !
À trois heures de vie, maman et bébé se portent à merveille, elle a tété goulument. Ils sont prêts à se reposer et je quitte leur domicile en prévoyant y revenir en fin de journée pour la visite du jour 1.
À mon retour à la maison, je m'endors sans problème, mais un peu plus d'une heure plus tard je me fais réveiller pour une raison toute bête, puis je n'arrive plus à m'endormir. Je tourne et retourne la séquence des événements et me demande ce que j'aurais pu faire de différent. En chemin pour la fameuse chasse aux oeufs un peu plus tard, je m'arrête chez la sage-femme qui était à la naissance et nous prenons quelques minutes pour faire un retour sur l'accouchement et la réanimation.
Cette même sage-femme me rappellera en fin d'après-midi pour que je lui prête assistance, car la femme qui est en travail à la maison de naissance et qu'elle accompagne lui a demandé de faire quelque chose et elles ont parlé de rupture des membranes. Nous avons décidé en équipe que nous serions toujours deux au moment de rompre les membranes. Je resterai un peu plus longtemps que prévu, mais comme je suis épuisée, une autre sage-femme fera ma visite du jour 1 et viendra comme assistante à l'accouchement en cours.
Dimanche tout est calme, j'ai bien dormi et je me sens en forme. Nous allons à notre brunch. Au retour à la maison je me fais appeler pour rendre la monnaie de sa pièce à ma collègue qui a fait une visite à domicile pour moi la veille. Je me couche vers 22h30, encore fatiguée et à peine ai-je le temps de sombrer dans le sommeil que mon téléavertisseur sonne. Quand j'entends la voix, je sais que je vais passer une autre nuit blanche. Elle est à terme et il y a plein de liquide amniotique qui lui coule entre les jambes. Elle le trouve rosé foncé, mais ne voit pas de saignement franc. Bébé bouge bien. Je décide d'aller faire une évaluation à domicile. J'y trouve un couple bien heureux d'accueillir très prochainement leur bébé. C'est son 4ième à elle et son premier à lui. Tiens donc, c'est le thème du weekend ! Le liquide est clair, bébé va bien et elle a des contractions toutes les 4 - 5 minutes qui augmentent en intensité. Nous nous donnons rendez-vous à la maison de naissance quand elle décidera que c'est le moment et j'anticipe que ce sera dans pas très long alors je vais me coucher sur place.
Elle arrivera à 1h15 du matin et son bébé naîtra à 3h47. Le papa pour la première fois a pleuré de longues minutes. Il était complètement envahi par les émotions, celles en lien avec l'enfant né, mais aussi celles qu'il a accumulées pendant le travail d'accouchement de son amoureuse. Il lui a dit et répété à maintes reprises «tu es la championne du monde».
Il y avait une autre femme en travail et les acchements ont eu lieu à 1h15 d'intervalle, alors en plus de l'autre sage-femme qui était sur place, nous avons appelé une troisième sage-femme comme assistante à l'une et à l'autre et quand je suis sortie de la chambre 30 minutes après la naissance, j'ai trouvé une 4ième sage-femme et son interne dans le bureau. Les trois chambres étaient maintenant occupées et une autre femme qui pouvait arriver d'un moment à un autre. Il y avait foule en ce lundi de Pâques ! Trois des quatre sage-femmes de garde pour le weekend étaient épuisées et la quatrième était sur place avec une femme en travail et allait avoir besoin d'une assistante probablement avant le début de garde de deux sages-femmes fraîches et disposes. L'une d'elle étant ma partenaire et n'habitant pas loin, nous l'avons appelée et c'est d'un ton très joyeux qu'elle nous a dit prendre son café et venir tout de suite après.
J'ai pu dormir 1h45 minutes avant de me faire réveiller pour partir fêter pâques chez mes parents qui nous attendaient en fin de matinée. Une bonne nuit de sommeil après cela n'a pas suffit, je me sens encore bien fatiguée, mais j'adore mon métier. J'avais un très bon lien avec les deux femmes/couples qui ont donné naissance ce weekend et ce fut un plaisir et un privilège pour moi d'être présente auprès d'eux au cours de ce moment tellement significatif et rempli d'émotions !